La libellule, attentive, est à l’écoute de la lumière du jour, mais elle devine l’obscurité, la part sombre du monde et des hommes.

Raymond Martin est né de peu en 1926. Dans une certaine mesure, il a été éduqué dans le rejet des communistes, des juifs, des métèques et des républicains espagnols.

Pour toujours, il y aura l’odeur apaisante et réconfortante de sa mère.

Mais, à un moment de sa vie, une trace malodorante accompagnera le Cagoulard où qu’il aille, quoi qu’il fasse, dans l’entremêlement de la petite et de la grande histoire du milieu du XXe siècle.

Lucien explique au capitaine SS comment déguster l’ortolan… Les serviettes blanches sont rabattues, un silence total s’installe durant de longues minutes… La guerre n’a pas dû arriver jusqu’ici !

Marcel Friand ne peut raconter à ses compagnons son enfance heureuse, le souvenir du lait de vache bu à même le seau dans l’étable, la saveur inoubliable du pain perdu et de la confiture de groseille.

Affalé de tout son long dans la boue, il est enfin stabilisé, son parachute est accroché au-dessus de lui, emmêlé dans des épines d’acier. Dans le bruit et la fureur de cette nuit, il attend, se demandant : « Je suis tombé chez les copains ou chez les Viets ? »

Raymond entrevoit, sous la jupe légèrement remontée pour ne pas la salir, la peau laiteuse au-dessus des bas de deuil qu’elle s’oblige à porter par décence en dépit de la chaleur... Elle crie de telle façon qu’il n’est pas possible de savoir si c’est de plaisir ou de répulsion.

Les drapeaux tricolores bruissaient et les klaxons montaient de partout : trois brèves, deux longues, comme « Algérie, française » ! Et puis, les paras fraternisent avec la foule, Massu et Salan les rejoignent malgré l’ordre de Coty.

Pourtant, il avait espéré, confusément, que la première fois ait lieu sur un lit d’herbe parfumé à la liberté, sous des arbres protecteurs, partagée avec les libellules et le chant des oiseaux.

Joël Galvanelli signe ici son premier roman.